Retour sur le millésime 2024
Un climat instable
Des vendanges réduites
Après un beau millésime 2023 aux volumes importants, 2024 a été éprouvant tout au long du cycle. Néanmoins, s’il est bien moins généreux que son prédécesseur, ce sera assurément un millésime de qualité. En effet, les aléas climatiques qui ont ponctué toute la saison ont impacté fortement la récolte, mais laissé des grappes aérées. Un tri minutieux et le travail de vinification permettent d’exprimer le potentiel de cette belle matière pour faire des vins savoureux, tant en blanc qu’en rouge.
Malgré une année marquée par des conditions météorologiques extrêmes, le millésime 2024 en Bourgogne s’annonce exceptionnel, selon les présidents du Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne. Malgré des rendements en forte baisse dans certaines régions, les vins devraient se distinguer par leur concentration et leur richesse aromatique avec des rouges solides et des blancs élégants, comparables aux grands millésimes de la région.
Ce mardi matin à la Cité des Climats et vins de Bourgogne de Beaune, s’est tenue la traditionnelle conférence de presse de rentrée de l’interprofession post-vendanges. Laurent Delaunay et François Labet, Président et Président délégué du BIVB (Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne), ont animé cet événement, revenant sur les vendanges, les prévisions du millésime 2024, ainsi que les enjeux économiques et commerciaux de la filière.
Millésime 2024 : entre défis climatiques et promesses qualitatives
François Labet a ouvert la conférence en soulignant les nombreuses difficultés climatiques qui ont marqué le millésime 2024. De fortes précipitations ont frappé la région, avec un excédent pluviométrique atteignant + 37 % en moyenne sur toute la Bourgogne, exacerbant les disparités entre sous-régions : + 46 % dans l’Yonne, + 42 % en Côte-d’Or et +21 % en Saône-et-Loire. La température moyenne est restée proche des normales de saison, avec un écart limité de 0,6 °C par rapport à la moyenne historique.
En revanche, le déficit d’ensoleillement a lourdement pénalisé le vignoble avec un manque de 24 % d’ensoleillement dans l’Yonne, -20 % en Côte-d’Or et -15 % en Saône-et-Loire. « Ce manque de chaleur, de lumière et l’excès de pluie ont entraîné une forte pression des maladies, notamment le mildiou » a expliqué François Labet, soulignant les efforts quotidiens des vignerons pour sauver la récolte. Ces conditions ont été particulièrement éprouvantes pour les domaines en agriculture biologique ou biodynamique, représentant 30 à 35 % des vignobles, qui ont dû faire face à des difficultés accrues.
Tendances de production 2024
Si la campagne 2023-2024 a permis de reconstituer les stocks après le généreux millésime 2022, les volumes prévisionnels pour 2024 s’annoncent en forte baisse, notamment en raison des pertes dans l’Auxerrois (-70 %), à Chablis (-50 %) et pour les cépages rouges comme le Pinot Noir, avec une chute de 50 %. En revanche, la Côte Chalonnaise et certaines zones du Mâconnais ont mieux résisté aux aléas climatiques, enregistrant des pertes limitées à 25 %.
Malgré ces épreuves, les deux présidents restent optimistes quant à la qualité des vins du millésime 2024. « Petite récolte ne signifie pas mauvais vin, bien au contraire. Les raisins, plus petits, ont profité du beau temps de fin août et début septembre pour mûrir correctement. Nous nous attendons à des vins d’une concentration aromatique remarquable en rouge comme en blanc » a affirmé François Labet, comparant ce millésime à 2010, avec des rouges solides et typiquement bourguignons et des blancs élégants.
Amélioration des volumes et des stocks
Laurent Delaunay confirme que, malgré une période pleine de paradoxes, les petites grappes et les faibles rendements garantissent une concentration plus élevée de saveurs et d’arômes. « Le miracle bourguignon a eu lieu avec le beau temps de fin août et début septembre, permettant à nos cépages septentrionaux de mûrir très rapidement. »
Il précise que le vin, désormais en cuverie, sera bientôt mis en fût, et que le tri rigoureux était une condition sine qua non pour garantir la qualité. « Grâce à une meilleure connaissance œnologique et une maîtrise des températures, nous savons comment gérer un millésime plus complexe. Cette année sera marquée à la fois par le travail des vignerons et des vinificateurs. C’est l’effort accompli qui fera toute la différence. »
Laurent Delaunay a ensuite présenté la situation des marchés « qui se sont considérablement améliorés ». Les vins de Bourgogne ont connu une amélioration notable en 2023-2024, après un généreux millésime 2022 qui a largement contribué à restaurer les stocks.
Les sorties de propriété de la campagne 2023-2024 ont continué sur un rythme un peu plus faible : + 1,6 % (Camp. 2023-2024 / Camp. 2022-2023), le besoin de refaire les stocks n’étant plus
aussi prégnant.
La récolte 2023 s’élève à environ 1,9 million d’hectolitres, soit plus de 253 millions de bouteilles, surpassant celle de 2022 (1,75 million d’hl). Toutefois, la moyenne des cinq dernières années reste inférieure à 1,5 million d’hl. Grâce à ces deux millésimes consécutifs abondants, les stocks à la propriété devraient être en hausse de 16 % par rapport à la moyenne quinquennale, avec une estimation de 2,9 millions d’hl disponibles pour la campagne 2024-2025. « Depuis 2010, il y a une extrême variabilité de la production, relate Laurent Delaunay, ce qui a des conséquences sur le cours des vins. La solution se trouve dans les réserves qu’il faut cependant financer avec des taux d’intérêt en hausse. » Reste à savoir si ce stock suffira à compenser le manque du millésime 2024.
Croissance sur le marché intérieur et à l’export
En grande distribution française, les vins de Bourgogne affichent une croissance malgré un contexte national en baisse dû à la faible récolte 2021 et à l’inflation (-8 % en France et -6 % à l’export). Pour la Bourgogne, les ventes ont progressé de +2,9 % en volume et de +2,6 % en chiffre d’affaires pour les huit premiers mois de 2024 par rapport à 2023. « Un exploit de la filière bourguignonne, se félicite Laurent Delaunay, on peut noter également un ralentissement de l’augmentation des prix. » À l’export, après deux années en déclin, les vins de Bourgogne repartent à la hausse : +3 % en volume et une stabilisation du chiffre d’affaires à +0,2 % pour les six premiers mois de 2024. Le chiffre d’affaires dépasse ainsi les 754 millions d’euros, confirmant une bonne santé à l’export. « La Bourgogne est la région qui se tire le mieux d’affaire en France, mais je suis conscient qu’il faut rester humbles face à une situation globale différente avec la déconsommation mondiale. Nous avons la chance de cocher toutes les cases de la tendance actuelle, les consommateurs ont toujours cette appétence pour les vins de Bourgogne. »
Transactions intra-régionales dynamiques
Les transactions intra-régionales continuent de jouer un rôle clé, avec un record de 964 000 hectolitres échangés en 2023-2024, soit une hausse de 7,5% par rapport à l’année précédente. Les échanges de raisins et de moût ont représenté 58 % du total des transactions, contre une moyenne quinquennale de 48 %.
Quelques AOC bourguignonnes soutiennent la croissance, notamment en grande distribution avec les marques de distributeur (MDD) :
– AOC Bourgogne Aligoté : +11,2% en volume, avec 285 000 bouteilles supplémentaires vendues, pour un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros.
– AOC Chablis : +6,2% en volume, soit 82 000 bouteilles supplémentaires, générant 18 millions d’euros.
– AOC Mâcon-Villages : +2,3% en volume, avec 10 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Le Crémant de Bourgogne a enregistré une légère baisse en volume (-1%), mais a progressé en chiffre d’affaires avec +3,9%. Hors MDD, ses ventes en volume ont même augmenté de +10,1%.
Nouveau « Club des 5 » à l’export
Le traditionnel « Club des 5 » des marchés principaux de la Bourgogne (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Japon, Belgique) a été modifié, la Suède ayant remplacé la Belgique en tant que 5e marché principal. La Suède a importé près de 3 millions de bouteilles sur les six premiers mois de 2024, avec un chiffre d’affaires en hausse de +6,8%, porté par les AOC Chablis et Crémant de Bourgogne.
Défis et perspectives
Les défis climatiques et économiques persistent. La Bourgogne doit faire face à des phénomènes météorologiques imprévisibles affectant les rendements. De plus, l’inflation continue de peser sur le pouvoir d’achat des consommateurs français, incitant à privilégier les marques de distributeur. Malgré ces obstacles, les performances à l’export, la montée en gamme et l’adaptabilité des acteurs locaux renforcent l’attractivité de la région, tant pour les experts que pour les nouveaux amateurs.
Divers sujets abordés et perspectives
Outre le point sur les vendanges et la situation économique, plusieurs sujets d’actualité ont été évoqués :
– La vente aux enchères des anciens panneaux d’appellations, prévue le 12 novembre 2024, qui suscite un vif intérêt parmi les collectionneurs.
– Le lancement d’une nouvelle web-série consacrée à la dégustation des vins de Bourgogne, visant à promouvoir les savoir-faire régionaux à l’international.
– Le centenaire de l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin), célébré à Dijon, est un événement majeur pour la Bourgogne, renforçant son rayonnement sur la scène viticole mondiale.
– Le Jeu des 7 Familles des dépérissements de la vigne a été distingué par une Mention Spéciale lors des OIV Awards 2024.
Malgré une récolte 2024 très en deçà des attentes, l’optimisme règne chez les dirigeants du BIVB, misant sur la qualité des vins et la solidité du marché à l’export pour maintenir l’attractivité des vins de Bourgogne.
Source Info-Beaune